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Ces créatrices qui se reconnaissent dans la figure de la sorcière

Retrouvez tous les épisodes de la série « L’art en quête de transcendance » ici.
La jeune artiste sud-africaine Bianca Bondi passera l’été à Paris, la tête dans les cartons. Mais son esprit est déjà à Rome, où elle s’installera début septembre pour une résidence d’un an à la prestigieuse Villa Médicis, dont le parc jouxte une forêt qu’elle compte réensauvager en reconstituant l’écosystème disparu. En bouclant ses valises, la plasticienne ne manquera pas d’y glisser quelques poudres et des herbes, du curcuma, du moringa ainsi que des feuilles d’amarante, « pour assurer la connexion monde mort et vivant », précise-t-elle. Ces éléments, elle les a choisis pour leurs propriétés chimiques, mais surtout pour leur puissance symbolique. Car Bianca Bondi est adepte de la wicca, une forme de néopaganisme basée sur l’harmonie avec le vivant. Sorcière ? Elle assume à reculons, tant l’étiquette charrie fantasmes et clichés.
Enfant déjà, Bianca Bondi s’exerçait au voyage astral au fond de son jardin à Johannesburg, pour surmonter le deuil de son père biologique. « Les réalités alternatives nous donnent les outils nécessaires pour mieux faire face à celle dans laquelle nous vivons », explique-t-elle. Biberonnée à la série Charmed, qui ensorcelle les ados dans les années 1990, elle crée avec trois autres camarades un premier groupe de sorcières. Mais l’aventure tourne court. « Quand tu t’engages dans le non-visible, tu ouvres des portes vers des énergies très puissantes, parfois dangereuses. On était bien flippées et on s’est dit qu’on n’y toucherait plus », raconte Bianca Bondi, qui fondera par la suite deux autres groupes de sorcières.
Longtemps, la jeune femme a tu son attrait pour l’ésotérisme, craignant de passer pour une illuminée. Jusqu’à ce qu’un compatriote, le plasticien Kendell Geers, lui-même attiré par la magie, ne la pousse dans sa pente. Tout, dans sa pratique, obéit à un rituel, notamment de purification. Invitée à exposer en 2019 dans les anciennes usines Fagor de Lyon, à l’occasion de la Biennale d’art contemporain, elle nettoie ce lieu chargé de souffrance ouvrière en dessinant un cercle de sel au sol. En 2021, elle transforme une salle de la Fondation Louis Vuitton, à Boulogne, en chambre de méditation, et jette dans une vasque d’eau salée des coquillages et des ossements d’oiseaux, « comme un geste de remerciement aux dieux ». « La magie, dit-elle avec naturel, c’est juste croire en quelque chose de plus large et savoir que tout est connecté. »
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